[AVIS] Désigné Coupable (2021) Kevin Macdonald

Désigné Coupable (The Mauritanian)
Réalisation : Kevin Macdonald
Scénario : Rory Haines, Sohrab Noshirvani, Michael Bronner
Avec : Tahar Rahim, Jodie Foster, Shailene Woodley, Benedict Cumberbatch, Zachary Levi...
Photographie : Alwin H. Küchler
Compositeur : Tom Hodge
Distribution : Metropolitan FilmExport
Durée : 2h09 min
Genre : Biopic, Drame
Date de sortie : 14 Juillet 2021
Affiche du film Désigné coupable

Capturé par le gouvernement américain, Mohamedou Ould Slahi est détenu depuis des années à Guantánamo, sans jugement ni inculpation. À bout de forces, il se découvre deux alliées inattendues : l’avocate Nancy Hollander et sa collaboratrice Teri Duncan. Avec ténacité, les deux femmes vont affronter l’implacable système au nom d’une justice équitable. Leur plaidoyer polémique, ainsi que les preuves découvertes par le redoutable procureur militaire, le lieutenant-colonel Stuart Couch, finiront par démasquer une conspiration aussi vaste que scandaleuse. L’incroyable histoire vraie d’un combat acharné pour la survie et les droits d’un homme.

3.5

  Six ans après Black Sea, sorti directement en vidéo en France en 2015, Kevin Macdonald (notamment connu pour le drame historique Le Dernier Roi d’Écosse, sorti en 2006) revient au cinéma avec Désigné Coupable, qui raconte l’histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi, un mauritanien jeté en pâture par son pays aux USA, qui voient en lui un potentiel instigateur des attentats du 11 septembre 2001, et le détiennent à Guantanamo.

  Le titre français, un peu trop littéral, renvoie au concept du « coupable idéal » largement utilisé par le cinéma américain, ancien et récent (on pense par exemple au dernier Clint Eastwood, Le Cas Richard Jewell, également tiré d’une histoire vraie), qui tient tout le film : même sans connaître l’histoire d’origine, le spectateur devine rapidement que le protagoniste est innocent, et qu’il va servir de bouc émissaire.

  Kevin Macdonald s’appuie sur le cahier des charges classique du biopic, avec ses sempiternelles cases à cocher (le fameux « ceci est une histoire vraie » au début du film, utilisation d’images d’archives et texte explicatif à la  fin, pour nous expliquer ce qu’il est advenu des personnages dans la vie réelle), mais l’utilisation d’une narration déstructurée vient redonner du piquant à l’ensemble qui aurait pu être trop classique. Cela permet également quelques choix artistiques radicaux : pour les scènes de flashbacks, la mise en scène devient soudainement plus erratique, et le format 4:3 est adopté, afin de bien marquer la différence entre le présent et le passé.

La musique tonitruante et angoissante de Tom Hodge, ainsi que la photographie à la fois élégante et morbide d’Alwin H. Küchler participent également à retranscrire le sentiment de paranoïa, la violence et la noirceur du quotidien du protagoniste, qui évolue dans un univers au sein duquel la vie humaine n’a plus la moindre valeur.

Image du film Désigné Coupable
Tahar Rahim est Mohamedou Ould Slahi

Pas de prise de risque en ce qui concerne le casting de Désigné Coupable, il apparaît comme une évidence que les acteurs principaux ont été choisis de manière très précise pour des types de rôles qui leur collent à la peau, et dans lesquels ils ont déjà largement fait leurs armes : Jodie Foster en femme intransigeante et badass à souhait, Tahar Rahim en prisonnier, Shailene Woodley l’éternelle ingénue, et enfin Benedict Cumberbatch, décidément habitué à travailler dans l’armée. Tous sont donc, sans surprise, très convaincants dans leur rôle, avec mention spéciale pour le duo Foster/Rahim, dont le contraste entre le jeu très froid et technique de Jodie Foster et l’émotion vive et brute de Tahar Rahim fait des merveilles.

Pour l’anecdote, Tahar Rahim s’est vraiment mis en conditions de tortures et a tout testé afin de vivre ce que Mohamedou Ould Slahi a vécu. Par respect dira-t-il, pour essayer de toucher l’état psychique de Mohamedou, sa performance n’en est que meilleure.

  Enfin, si Désigné Coupable est assurément un film réussi, on ne peut s’empêcher de penser que l’histoire de base, tellement poignante, emporte en grande partie le morceau d’elle-même, sans être réellement sublimée par Kevin Macdonald