La Mule (The Mule)
Réalisé par : Clint Eastwood
Avec : Clint Eastwood, Bradley Cooper, Laurence Fishburne, Michael Peña, Clifton Collins Jr., Dianne Wiest, Andy Garcia
Date de Sortie : 23 Janvier 2019
Durée : 1h 56min
Synopsis :
À plus de 80 ans, Earl Stone est aux abois. Il est non seulement fauché et seul, mais son entreprise risque d’être saisie. Il accepte alors un boulot qui – en apparence – ne lui demande que de faire le chauffeur. Sauf que, sans le savoir, il s’est engagé à être passeur de drogue pour un cartel mexicain.

La Mule est donc le dernier film qui verra le grand, le très grand, l’immense Clint Eastwood devant la caméra. Clape de fin pour cette icône d’Hollywood qui voit sa carrière d’acteur se terminer dans son avant dernier film étant lui-même, le réalisateur. Sorti en 2018, le réalisateur américain nous propose un voyage des plus émotionnels en nous contant l’histoire d’Earl Stone, un vieil homme, ancien horticulteur endetté, détesté par sa famille qu’il a toujours délaissé, qui va trouver un travail assez particulier en devenant une mule pour le cartel. Coproduit par Clint Eastwood lui même et la Warner, l’histoire s’inspire de faits réels relatés dans le New-York Times, revenant sur les péripéties de Leo Sharp lui même vétéran de la guerre et travaillant en tant que mule. Cette partie de sa vie inspire ce nouveau film pour un énième récit sur les véritables « héros » américains.
Dès les premières minutes, l’incarnation de ce personnage prend tout son sens, le personnage d’Earl passant de la gloire éphémère, oubliant les moments les plus importants de ses proches, à la chute dure et froide d’un métier qui a évolué avec le temps et notamment l’arrivée d’internet. A l’image de l’évolution du cinéma de ces dernières années, Clint Eastwood fait parti du glorieux passé d’Hollywood (en tant qu’acteur), loin des effets numériques d’aujourd’hui. Sa retraite est donc justifiée et acceptée par l’intéressé.

Le cinéaste ne s’attarde que très peu sur le passé d’Earl et de ses problèmes familiaux qu’il tentera de régler en gagnant de l’argent auprès du cartel. On y découvre un personnage attendrissant, conscient de ses péchés, notamment avec sa famille et le cartel, mais décidé à profiter de la vie et de chaque instant de plaisir. Il tentera toutefois de se racheter auprès de ses proches, incarnation de ce qu’il y a désormais de plus important pour un vieil homme dépassé, loin de sa gloire passée.
Si le message peut paraître douteux, il est pourtant emplie de sagesse avec ce protagoniste acceptant que rien ne peut rattraper le temps perdu, pas même l’argent. Il ne sera donc jamais totalement pardonné, le temps étant malheureusement déjà écoulé et le mal étant déjà fait. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Earl effectue ses courses, afin de gagner de l’argent pour se racheter ; dernière action futile d’un homme qui profite malgré sa bonne volonté de la vie comme il l’a toujours fait, en étant sur la route.
Les nombreuses courses pour le cartel, se faisant comme il l’a toujours fait, en prenant le temps de s’offrir des petits plaisirs de la vie, contrastent en effet avec l’esprit mafieux de certains personnages. Chacune d’entre elle étant présentée comme un nouveau chapitre de la vie du vieil homme, qui s’habitue, comme nous, à cette nouvelle vie sur la route. « Tata » comme il est appelé par le cartel attendrira de manière contagieuse chacun des personnages l’entourant dans le milieu, attisant à la fois une forme de pitié et de respect. Ce ressenti sera très rapidement le même pour le spectateur, bien que conscient des erreurs du protagoniste ou de ses maladresses, notamment au travers de quelques dialogues ou scènes.
Ce traitement fait d’Earl un personnage profondément fort, questionnant nos priorités dans la vie, notre manière de vivre et de voir les choses, comme la limite entre bien et mal.

La narration d’Eastwood est ainsi extrêmement importante, démontrant toutes les facettes du protagoniste et glissant quelques indices annonçant son futur proche au travers d’une mise en scène sobre mais efficace. Le réalisateur se joue ainsi de la vieillesse de son personnage afin non seulement d’ajouter quelques petites touches d’humours mais surtout de pouvoir s’exprimer sur différents sujets importants avec douceur et tendresse.
L’utilisation de la musique périodique, lors des courses, pour le cartel vient appuyer avec subtilité le message du cinéaste concernant Earl, et donne une fois de plus, une tendresse accrue pour le protagoniste, justifiée par sa nonchalance et sa joie de vivre sur les routes.
La réalisation toujours sobre d’Eastwood accompagne avec efficacité le parcours d’un personnage qu’il incarne à la perfection, presque testamentaire d’un géant acceptant désormais qu’il « est trop vieux pour ces conneries ». Car Earl, à l’image d’Eastwood, a tout donné à son art, jusqu’à sa propre vie, et bien qu’il ne le regrette pas, il est temps pour le légendaire acteur américain de se retirer afin de se concentrer sur le plus important , la famille. C’est d’ailleurs le dernier message qu’il envoie à une nouvelle génération d’acteur incarnée ici par Bradley Cooper, dont le rôle secondaire sera d’écouter et de faire échos aux bon conseils de ce cher et tendre Clint. La fin prend ainsi un sens particulier, d’une beauté rare mais habituelle pour un réalisateur, lui aussi, légendaire.