Les Frères Sisters (The Sisters Brothers)
Réalisé par : Jacques Audiard
Avec : John C. Reilly, Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed, Rebecca Root, Rutger Hauer, Allison Tolman, Carol Kane…
Date de Sortie : 19 Septembre 2018
Durée : 2h01min
Synopsis :
Charlie et Eli Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d’innocents… Ils n’éprouvent aucun état d’âme à tuer. C’est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Eli, lui, ne rêve que d’une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l’Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?
Les frères Sisters est un film franco-américain écrit et réalisé par Jacques Audiard, auteur français qui adapte en 2018 le roman éponyme de Patrick deWitt. Un film produit par les frères Dardenne et une ribambelle de producteurs français, espagnols, roumains, américains ou encore belges montrant évidemment la difficulté à produire un tel film pour le réalisateur français.
S’il est devenu de plus en rare de voir des westerns dans les salles obscures, il est aussi surprenant de voir un cinéaste français s’attaquer à ce genre. C’est pourtant ce que fait Jacques Audiard, récoltant un accueil critique dans l’ensemble élogieux malgré un échec commercial décevant.
Nous sommes en 1851, les frères Sisters sont des chasseurs primes qui se lancent à la poursuite d’un chimiste ayant inventé une formula permettant de détecter l’or dans les rivières. Aidé par le détective John Morris, la mission ne se passera pas comme prévu pour les deux tueurs…
Les frères Sisters c’est avant tout un long et triste voyage qui s’attarde sur l’histoire de deux tueurs et leurs évolutions. L’un, superbement interprété par un Joaquim Phoenix dantesque, aime tuer et apprécie de voir la peur des gens attendant son nom et l’autre, joué par un John C.Reilly très touchant, souhaite raccroché afin d’avoir une vie normale. Ainsi s’installe un parcours laborieux pour les deux hommes entre regrets, plaisir et mort, le tout ponctué d’un cercle vicieux les ramenant toujours à leur condition de tueur. Et le contraste avec les deux autres personnages principaux du long-métrage est saisissant, eux qui prône un monde meilleur, loin de cette ère sans pitié où règne l’argent et les révolvers.
Audiard y explore ainsi ses thématiques récurrentes avec une finesse d’écriture, tant dans les actions que dans les dialogues, ce qui rend ce film à la fois touchant et agréable à suivre, malgré quelques longueurs. Des longueurs dû à une envie de développement profond de la part du cinéaste qui attache une nouvelle fois, une importance énorme à l’écriture de ses personnages. Cela permet de rendre son récit plus consistant et d’impliquer un peu plus encore le coté émotionnel des spectateurs.
De plus, au-delà de l’aspect purement d’écriture, le cinéaste nous offre un véritable savoir faire visuel signé Benoît Debie (Climax, Lost River ou encore Spring Breakers). Entre certains plans larges qui rappelleront par instant les heures de gloires des films de David Lean, et les plans rapprochés afin d’être au plus près des personnages, Audiard nous livre une vision du western propre à lui, entre influences et modernité. On y perçoit une véritable patte esthétique, notamment lors des scènes de nuit où la mise en scène tend à rapprocher les frères le plus souvent possible de lumières chaudes, de flammes et de brûlures, comme pour rappeler la perdition de leur humanité. Le travail des lumières est ainsi à dénoter, tout comme cette volonté d’éviter de filmer tout duel au révolver. Très peu de plans larges sur les affrontements, laissant bien souvent une caméra subjective pour renforcer le coté viscéral et cruel de ces actes ou tout simplement une suggestion de ces duels, sans jamais les montrer.
C’est d’ailleurs dans ces cas de figures que le réalisateur démontre tout son talent de metteur en scène, privilégiant l’aspect sonore suggérant une action plutôt que de la filmer. Il se concentre ici exclusivement sur les réactions de ses personnages.
Tout cela donne au film une épaisseur des plus intéressantes. Porté par un casting formidable, Jaques Audiard nous livre un western à la fois touchant, puissant et divertissant. Une œuvre dont les quelques défauts sont masqués par une ingéniosité rare d’un réalisateur/ scénariste des plus talentueux du cinéma français.
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