Lux Æterna Réalisation : Gaspar Noé Scénario : Gaspar Noé Avec : Béatrice Dalle, Charlotte Gainsbourg, Abbey Lee Photographie : Benoît Debie Musique : Pascal Mayer Distribution : UFO Distribution et Potemkine Films Durée : 51 min Genre : Thriller Dramatique Date de sortie : 23 Septembre 2020
Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Or l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière.
Gaspar Noé est un personnage clivant du paysage audiovisuel français. Parfois porté au nu tel un véritable génie révolutionnaire du 7ème art et parfois insulté par le public et tabassé par la critique, le réalisateur ne laisse personne indifférent et ce n’est pas un euphémisme d’affirmer qu’il fait tout pour ne laisser personne indifférent. Il choque à travers la violence, le sexe et tout ce que le public pourrait rejeter, mais toujours avec cette virtuosité agaçante pour certains et génialissime pour d’autres. C’est donc toujours avec une certaine forme d’appréhension que l’on découvre chacun de ses nouveaux films et c’est ici le cas, comme d’habitude, de son dernier long métrage présenté à Cannes en 2019 : Lux Aeterna récemment sorti en salle.
Le réalisateur choisit de montrer l’histoire de Béatrice Dalle réalisant son premier film au coté de Charlotte Gainsbourg qui doit jouer une scène de bucher avec deux autres jeunes femmes. Ayant toutes deux une excellente relation, l’on s’aperçoit très vite que ce n’est pas le cas avec le reste de l’équipe, rendant l’atmosphère du tournage particulièrement explosive…
Si le film commence en demi-teinte avec d’anciens extraits de films, qui certes introduisent le sujet de manière efficace, mais qui ne semblent en aucun cas véritablement pertinent ; l’on se retrouve avec une introduction pour le moins intéressante. Une introduction prétentieuse qui prend le temps de dire au spectateur « oui, c’est bien mon film que vous attendez, et vous allez encore attendre parce que moi je sais faire du cinéma ». Et effectivement Noé a raison. Prétentieux ne veut pas dire mauvais. Béatrice Dalle rayonne avec un humour implacable et un talent incomparable à travers un délicieux dialogue avec Charlotte Gainsbourg. Tout est dit avec une maîtrise notable et c’est ainsi que Gaspar Noé nous introduit au sein d’un tournage des plus fous.
Ici pas question d’éjaculation faciale ou précoce, le réalisateur prend son temps tout en contractant l’espace avec un montage parallèle à la fois astucieux et problématique, à l’image de la thématique de l’œuvre. Ce dernier ne permet pas de tout voir, de contempler chaque action dans son ensemble ; le spectateur se perd très rapidement dans un chaos profond bien qu’étrangement agréable.
Car tout comme son montage, ici, il s’agit bien d’un propos sur le cinéma à travers un tournage des plus chaotiques, symbole même de ce qu’est le 7ème art lors de sa confection. Une œuvre est le fruit d’un chaos, et c’est avec un plaisir parfois mesquin ou provocateur que le cinéaste dépeins la réalité derrière le résultat final, si lisse, si beau, parfait et ordonné.
Bien sûr, au-delà de ce montage parallèle, l’on retiendra paradoxalement toute la maestria du cinéaste quant à la progression dramatique du récit ainsi qu’une mise en scène parfaitement orchestrée. On y retrouve ainsi une utilisation toujours aussi esthétiquement sublime des éclairages, notamment rouge, vert et bleu et une application profonde à retranscrire l’état de ses personnages à travers celle-ci ainsi qu’à travers le son. La montée en tension atteint ainsi son paroxysme à travers un son de plus en plus présent et assourdissent, faisant face à une Béatrice Dalle déchaînée et une Charlotte Gainsbourg étant la force calme, presque observatrice de toutes les scènes.
Toutefois, c’est bien avec la couleur que la tension est souligné et notamment la couleur rouge par laquelle l’histoire a débuté, comme une boucle parfaite des dires de Béatrice Dalle en introduction traduit de la manière suivante : dans un film, c’est le résultat qui compte, peu importe la manière d’y parvenir.
Et c’est donc un résultat résolument positif pour ce dernier long-métrage tant attendu de Gaspar Noé qui aborde avec brio, efficacité et à travers un amour profondément sincère, la question du cinéma, de sa diégèse et de son essence. Lux Aeterna est une véritable succession de problèmes parfois sans réponses, tourné avec subtilité, avec des dialogues à l’humour à la fois pertinent et véritablement désopilant.
Cependant, il est noté une fin assez agaçante, malgré toute la portée symbolique où le réalisateur s’amuse à piétiner la rétine du spectateur avec un spectacle de jeu de lumière dont on ne le remerciera pas. Dommage, tant Lux Aeterna est une véritable réussite démontrant une nouvelle fois le talent incontestable du réalisateur et la richesse d’un cinéma français toujours plus surprenant.