Mignonnes Réalisation : Maïmouna Doucouré Scénario : Maïmouna Doucouré, Alice Winocour, Valentine Milville, Nathalie Saugeon Avec : Fathia Youssouf, Medina El Aidi, Esther Gohourou... Photographie : Yann Maritaud Musique : Niko Noki Distribution : Bac Films Durée : 1h35 min Genre : Drame Date de sortie : 19 Août 2020
Amy, 11 ans, rencontre un groupe de danseuses appelé : « Les Mignonnes ». Fascinée, elle s’initie à une danse sensuelle, dans l’espoir d’intégrer leur bande et de fuir un bouleversement familial…
Mignonnes est le premier long-métrage de Maïmouna Doucouré, après le court-métrage Maman(s) qui a fait sensation en remportant notamment le César du meilleur court-métrage en 2017 ainsi que le prix du meilleur court-métrage international au festival de Sundance.
Si Maman(s) était très fortement autobiographique, Mignonnes est avant tout le fruit des longues et intensives recherches de Maïmouna Doucouré sur son sujet, à savoir l’influence de l’hypersexualisation de la société sur les très jeunes filles, en particulier celles provenant des quartiers populaires. En effet, le point de départ de l’idée du film vient d’un spectacle de danse auquel la réalisatrice a assisté, dans lequel des pré-adolescentes interprétaient des danses particulièrement suggestives. Tellement choquée par ce qu’elle a vu, elle a décidé d’en faire un film, après un an et demi de recherches et de conversations avec des jeunes filles, afin de mieux les comprendre.
Avec Mignonnes, Maïmouna Doucouré ne réussit que trop bien à transmettre le choc qu’elle a eu elle- même aux spectateurs du film : les danses et poses suggestives, interprétées par des enfants d’une dizaine d’années, sont particulièrement difficiles à supporter, tout comme la montée en violence de la protagoniste Amy. Interprétée avec une maturité presque inquiétante par Fathia Youssouf, ce personnage représente
avec précision la volonté de reconnaissance, d’intégration et de popularité de toute une génération nourrie aux réseaux sociaux, avide de « likes » et de vues, parfois prête à tout pour gagner en visibilité aux yeux du monde.
Loin d’une volonté de juger cette Amy et ses acolytes, Maïmouna Doucouré nous interroge sur la responsabilité de la société et des adultes qui entourent ces jeunes filles entre deux âges. Plutôt que de les blâmer pour leurs choix et leurs comportements, elle remet en question les outils mis à leur disposition pour se construire, et met en avant le contexte particulièrement difficile dans lequel elles évoluent. Ainsi, la très jeune Amy, étouffée par les traditions et la religion imposées par sa mère et plus particulièrement par le personnage de la tante, jouée avec beaucoup de froideur et d’autorité par Mbissine Thérèse Diop (actrice de renom au Sénégal), trouve dans ce groupe de danse son unique fenêtre vers la joie, l’amitié et la reconnaissance qu’elle ne peut trouver ailleurs.
La figure du père, qui brille par son absence, contribue également largement à ce terrible manque de repères et pousse la jeune Amy à vouloir (ou devoir) se comporter comme une adulte. Cette volonté de vouloir « faire comme les grands » se manifeste dans la mise en scène de Maïmouna Doucouré, qui choisit de placer les adultes et les enfants sur le même plan, à la même hauteur.
Pour aller plus loin, elle ose les gros plans sur les fesses des jeunes danseuses, exactement de la même manière qu’on pourrait le voir dans un clip moderne avec des danseuses adultes. En dehors des scènes de danse, la mise en scène est brute, dépouillée, adoptant le point de vue des enfants pour être au plus près des personnages et témoigner d’une triste réalité. Car ces « Mignonnes » ne sont pas fictives, il en existe malheureusement beaucoup : lors de l’avant-première, une CPE de collège atteste de la justesse et du réalisme saisissant de la peinture de cette génération.
Ainsi, en abordant un sujet de société aussi fort et aussi choquant (une psychologue était même présente sur le tournage afin d’aider les jeunes actrices à se dissocier de leurs personnages), le film va sans nul doute diviser et faire parler, ce qui est le but de la cinéaste, dans l’idée de faire avancer les choses. Il constitue également une belle réflexion sur le passage de l’enfance à l’adolescence, en particulier pour une jeune fille, qui en proie à la métamorphose de son corps et en l’absence de modèles et repères, doit apprendre à trouver sa place et se construire son identité propre.