Occupied City
Réalisation : Steve McQueen
Scénario : Steve McQueen
Avec les voix de : Melanie Hyams (ENG) & Carice van Houten (NL)
Photographie : Lennert Hillege
Compositeur : Oliver Coates
Distribution : MK2
Durée : 4h26
Genre : Documentaire
Date de sortie : 24 Avril 2024
Dans Occupied City, une caméra inquisitrice arpente les rues animées d’Amsterdam en 2020, alors que la ville se remet à peine de la pandémie. Dans le même temps, le film convoque les habitants et les souvenirs du passé, disséminés sur la carte de la ville et tissés dans la trame même de ses rues et de ses bâtiments.
Steve McQueen, reconnu pour son approche cinématographique audacieuse et souvent provocatrice avec ses films primés Hunger (2008) et 12 Years slave (2013), explore dans Occupied City les répercussions de la Seconde Guerre mondiale sur Amsterdam. Ville que le réalisateur britannique connaît bien puisqu’il y habite avec sa femme, Bianca Stigter co-productrice du film, dont elle a également effectué tout le travail de recherches historiques.
Le documentaire est en effet adapté de l’Atlas que Bianca a édité. Elle y guide le lecteur à travers l’Amsterdam occupée et raconte ce qui s’est passé pendant la guerre aux coins des rues et derrière les portes d’entrée. A l’image du livre, l’exploration se transforme dès les premières secondes en visite guidée d’un musée à ciel ouvert. Melanie Hyams dans la version anglaise ou Carice van Houten dans la version néerlandaise sont nos guides dans cette visite de la Venise du Nord qui ressort les fantômes du passé. Un portrait rue par rue où Amsterdam se dévoile alors non seulement comme un décor, mais aussi comme un protagoniste vibrant, témoignant des conflits entre résistance et collaboration.
Le portrait n’a cependant rien d’habituel. Aucune image d’époque n’est utilisée. Le réalisateur britannique nous raconte les horreurs du passée avec des images modernes de sa ville qu’il sublime. On retrouve le Steve McQueen artiste expérimental, qui nous entraine avec son œil au cœur d’une ville pleine de vie. Une ville dont il connaît l’essence qu’il essaye de nous transmettre à travers sa caméra 35mm. Le voyage sublime et poétique dans cette Amsterdam moderne, contraste aux propos terriblement dramatiques évoquant son histoire et ses nombreuses victimes.
L’œuvre devient rapidement une expérience à laquelle on ne ressort pas indemne. Déjà par son propos et son histoire mais aussi par son rythme, sa durée et sa narration. On peut comparer le film à une visite dans un musée. Une visite de plus de 4h où l’on est attaché à une chaise roulante qui nous arrête devant chaque œuvre, aussi sublimes soient elles. Une visite où à chaque arrêt résonne une douce voix off qui nous conte des horreurs sur l’œuvre en question.
Aucun échappatoire si ce n’est une entracte de 15min au milieu du film et quelques respirations bienvenues. Autant vous dire que la visite est à la limite de l’indigeste vu le nombre d’info qu’on se prend à la seconde.
On sort cependant retourné par cette œuvre hybride, à la croisée du documentaire historique, de la visite interactive et de l’œuvre expérimentale. Amsterdam vous dévoile tous ses secrets où la poésie et la vie priment sur la mort et les fantômes du passé. Ce film est une autre preuve de la capacité de McQueen à repousser les limites de la narration cinématographique, tout en engageant un dialogue critique avec l’histoire et la mémoire collective.