Rodeo Réalisation : Lola Quivoron Scénario : Antonia Buresi & Lola Quivoron Avec : Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi, Cody Schroeder, Louis Sotton Photographie : Raphaël Vandenbussche Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h45min Genre : Drame

Julia vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, à la pratique de la moto. Un jour d’été, elle fait la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume et infiltre ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes. Avant qu’un accident ne fragilise sa position au sein de la bande…
Premier long métrage de Lola Quivoron, Rodeo est l’une des petites surprises du dernier Festival de Cannes, récompensé du prix coup de cœur du jury. Une agréable surprise de cette rentrée tant on sent une générosité et une envie incommensurable de tout donner au service du 7ème art de la part de la cinéaste.
Cette envie se matérialise tout d’abord par l’écriture de sa protagoniste incarnée avec brio par Julie Ledru, personnage qui évolue clairement dans un milieu majoritairement masculin. La femme étant à une place de spectatrice, presque supportrice de ces artistes passionnés ou mâles alpha ayant quelque chose à se prouver. On retrouve alors sans aucun doute aussi une métaphore du milieu cinématographique où « L’inconnue » (personnage principale du film) va devoir redoubler d’effort afin de se faire une place dans un groupe de motard. Plus encore, elle semble rejeter une certaine idée de la féminité à travers les habits, la manière de s’exprimer et de se comporter. Un rejet toutefois relatif tant elle saura tirer des atouts de cette image rejetée à plusieurs moments du film. Elle use par exemple de sa féminité afin de « tromper » des vendeurs de motos, moins méfiants à son égard au moment de l’achat qui se termine rapidement en vole facile pour la jeune femme.

C’est un rôle qu’elle abandonne d’ailleurs aussitôt qu’elle roule en moto. Un moment où elle peut enfin devenir elle-même, libre et heureuse. Car la féminité n’est pas le seul rôle qu’elle se donne pour parvenir à ses fins, elle se montre particulièrement « masculine » avec le groupe de motard afin de se faire respecter et accepter par le plus grand nombre. Elle doit prouver sans cesse et se montrer parfois menaçante. Sa lubie de la moto la conduit aussi à avoir ce même comportement envers son propre frère qui finit par se détourner d’elle. Elle sacrifie et se protège de toute relation pour pouvoir rouler.
Seule sa relation avec Ophélie (Antonia Buresi) , femme de Domino chef de l’organisation des motards et prisonnier, semble la combler. Elle rejette cependant celle-ci alors que leur relation se trouve à un point culminant, comblant chacune le manque affectif de l’autre. Ophélie, forcée, finira par la rejeter, comme le groupe par ailleurs où il semble qu’elle ne trouvera malheureusement jamais sa place.
Nous avons donc un personnage féminin complexe, fort mais torturée qui continue d’avancer, sans plainte, vers son but, rouler en moto. Le parallèle avec le cinéma est saisissant et lourd de sens, bien que l’on pourra cependant reprocher l’idée quelque peu cliché de l’abandonnant de la féminité, d’avoir un personnage au caractère masculin afin d’évoluer dans un milieu de mâle affamé de bruit, de roue et d’essence.
Parce qu’on en bouffe du bruit de moteur et des bidons d’essence ! La cinéaste semble particulièrement apprécier ce milieu jouant entre saleté puante de l’essence, de la sueur et une certaine « iconisation » des motards. Le travail autour de l’atmosphère pesante, puante, violente et particulièrement terre à terre grâce à la mise en scène et l’utilisation majoritairement d’une focale à échelle humaine. Cet élément permet notamment d’être souvent au plus proche des personnages dont les problématiques sont universels et donc, de sentir d’autant plus la force de leurs sentiments et de leurs émotions.

Filmé tel un documentaire, Rodeo n’a pas pour sujet des fous furieux du moteur qui ne veulent que faire du bruit, brûler de l’essence et mater leurs bêtes. Non, Rodeo est une histoire de passion au centre de plusieurs petites vies avec différentes problématiques à mater, pour s’en sortir mais aussi pouvoir vivre pleinement cette passion. La moto est un moyen clair de se sortir du quotidien pesant, parfois lourd des personnages, voir d’eux mêmes comme c’est le cas pour « l’inconnue ».
Et c’est tout naturellement que nous comprenons la nécessité de ce groupe de faire de la moto, comme la réalisatrice de faire du cinéma. Parce que les deux passions sont synonymes d’être soi-même, libre et de pouvoir exprimer sans peur et sans complexe notre personne. La moto comme le cinéma est un rêve, rêve qui est le symbole même de l’essence de ce que l’on est. Et l’on remercie la cinéaste de nous le rappeler avec cette petite bouffée d’air frais.
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