[AVIS] Trois mille ans à t’attendre (2022) George Miller

Trois mille ans à t'attendre (Three Thousand Years of Longing)
Réalisation : George Miller
Scénario : George Miller et Augusta Gore
Avec : Idris Elba, Tilda Swinton, Aamito Lagum
Photographie : John Seale
Musique : Junkie XL
Distribution : Metropolitan Filmexport
Durée : 1h48min
Genre : Romance, Fantastique, Drame
Affiche du film Trois mille ans à t'attendre

Alithea Binnie, bien que satisfaite par sa vie, porte un regard sceptique sur le monde. Un jour, elle rencontre un génie qui lui propose d’exaucer trois vœux en échange de sa liberté. Mais Alithea est bien trop érudite pour ignorer que, dans les contes, les histoires de vœux se terminent mal. Il plaide alors sa cause en lui racontant son passé extraordinaire. Séduite par ses récits, elle finit par formuler un vœu des plus surprenants.

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La dernière fois que nous pouvions voir un film de George Miller sur grand écran, la France n’était pas encore championne du monde, le covid n’était pas aussi populaire et Wejdene devait avoir 12 ans et demi. Ce dernier film était Mad Max Fury Road, marquant le retour au premier plan du cinéaste dans le monde cinématographique.

C’est alors que quelques années plus tard, en plein covid, le réalisateur filma son nouveau projet, trois mille ans à t’attendre. Fort heureusement, nous n’avons pas eut à attendre autant pour voir de nouveau le vieux maître donner une leçon de cinéma aux petits rookies. Et quelle leçon !

Maître monteur, metteur en scène et narrateur d’un talent hors-normes, George Miller choisit d’explorer le fondement humain à travers la narration. Plus encore, il use des talents de Tilda Swinton et de son personnage pour nous proposer bien mieux qu’une conférence sur les récits, un récit qui conte en lui-même et de part son essence, la narratologie.

Bien plus grand qu’il n’en a l’air en surface, 3000 ans à t’attendre est une démonstration, un exercice monstrueux dans lequel Miller s’adonne. Le scénario et ses diverses péripéties engendrées par l’histoire du Djinn servent de vitrine au cinéaste qui reprend alors les bases de contes datant de plusieurs millénaires. Cette remise en forme de ces légendes, parfaitement adaptées au contexte actuel, à cette époque dans laquelle l’on vit, semble indiquer que malgré le temps, les interprétations et répétitions, le récit à l’image de l’humanité, se renouvelle sans cesse. 

Image du film Trois mille ans à t'attendre
Idris Elba est le génie

Et si à travers les aventures d’Idris Elba, nous pouvons percevoir une certaine rengaine, un cercle de répétition incessant dont le fondement peut être lassant mais les éléments ajoutés, les détails, en font des récits riches et surprenant. Nous apprenons, comme les personnages de Tilda Swinton et d’Idris Elb, tout au long du film. Nous nous nourrissons d’histoires afin d’évoluer.

Cependant, la démonstration cinématographique de Miller ne s’arrête pas qu’au scénario. Le cinéma, c’est l’art du son et de l’image et bien que nous pourrions saluer, complimenter son merveilleux travail en terme d’effets spéciaux et la qualité de ses séquences ; c’est bien le montage qui assure en partie le génie de ce film. Car la fluidité des transitions parvient à nous transporter, en douceur et avec élégance, de séquence en séquence, nous baladant d’une époque à une autre, regardant avec des yeux d’enfants une histoire aux milles et un récit. 

Le travail de transition, lubie du réalisateur, qui en fait ici l’étendard de la qualité d’une belle histoire contée. La fluidité étant au cœur même de la relation entre les deux personnages qui voient leur amour sans étincelle, sans feu brûlant car chacun se force à sa manière d’attiser une flamme qui manque d’air pour s’embraser. Sans fluidité lorsque l’on conte un récit, celui-ci perd de sa superbe, de son intérêt jusqu’à perdre vie peu à peu. 

C’est exactement ce qui arrive au Djinn, forcé de donner un amour dont il n’est pas foncièrement capable malgré sa magie, et se forçant à rester dans un environnement qui le tue peu à peu (l’on saluera par ailleurs le petit message écologique du petit Georgie). Le personnage de Tilda continuant sa vie peut ainsi profiter pleinement de cette relation jusqu’à se rendre compte de sa négligence. L’amour, comme un bon récit, c’est un équilibre de plusieurs ingrédient, fait de communication, concession et confiance. Malheureusement leur relation en prend un coup, ce qui permet à Miller te finir son film sur une note d’espoir vis à vis de la nouvelle génération conteuse d’histoire en demandant ni plus ni moins que du recule envers la nature de soi. Le bon récit ne doit pas être forcé ou contraint, il doit venir naturellement comme finissent par vivre le couple.

Image du film Trois mille ans à t'attendre
Tilda Swinton est Alithea Binnie

L’état dans lequel se trouve le Djinn (à cause du monde dans lequel nous vivons) avant ce recule de la part du couple symboliserait sans doute aussi l’idée de la mort de la magie. La magie du grand écran et plus largement des récits s’étouffent dans un monde de moins en moins surpris, moins magique, et il ne tient qu’à ses auteurs de la perpétuer, de faire en sorte qu’elle puisse coexister avec un monde de moins en moins magique, de plus en plus logique.

Fait aussi intéressant de trois mille ans à t’attendre, est que Miller semble se mettre à la place de la protagoniste. Lui qui a une connaissance, une expérience et une reconnaissance accrue, semble avouer aussi à cette génération que malgré tout ça, il ne reste qu’un homme qui cherche encore et toujours à savoir comment raconter de bonnes et belles histoires.