La recette Ben Davis

[AVIS] Dumbo (2019) Tim Burton

Synopsis : Les enfants de Holt Farrier, ex-artiste de cirque chargé de s’occuper d’un éléphanteau dont les oreilles démesurées sont la risée du public, découvrent que ce dernier sait voler…

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Nous sommes en 1979, le deuxième choc pétrolier vient de débuter, Born to be alive résonne dans toutes les radios d’Europe et les bornes d’arcade Space Invaders se multiplient.

Mais 1979, c’est surtout le début d’une grande histoire. Celle d’un jeune garçon passionné d’animation et de dessin, poussant les portes de l’un des plus puissants et des plus prestigieux studio d’animation au monde ; Disney. Il a vingt-trois ans, mesure environ un mètre quatre-vingts ; et c’est avec les cheveux noirs flottants en totale liberté, les épaules tombantes et le teint pâle que le jeune Tim Burton débute sa carrière dans l’animation. En cette période fin soixante-dix/début quatre-vingts, les studios qui peinent encore à se remettre de la mort de leur créateur, survenue dix ans plus tôt, sont encore en hibernation. La firme emploie des chasseurs de têtes avec pour mission de dénicher de jeunes talents. C’est ainsi que le jeune Tim Burton, originaire de Burbank en Californie (là où se trouve également le siège de Disney) est repéré.

Seulement voilà ; Burton, malgré sa jeune expérience du métier, reproche au studio de l’enfermer dans une vision du dessin qui n’est pas la sienne et fait preuve d’une ténacité à toute épreuve en refusant de faire des concessions sur ses opinions artistiques. En effet sur Rox et Rouky, le dernier grand projet des studios, où Burton officie en tant qu’animateur, le jeune homme se dit incapable d’intégrer les “codes” du studio qu’il juge trop formatés. Il adapte son comportement en conséquence, en prenant l’habitude de dormir à moitié sur sa table à dessin, prêt à gribouiller à la moindre entrée inattendue dans son bureau. Les projets s’enchaînent et les déceptions également, Burton travaille sur Tron en tant qu’animateur pour la seconde fois et sur Taram et le chaudron magique en tant que concepteur artistique ; jusqu’à ce que Disney lui offrent enfin la possibilité de développer ses premiers courts-métrages, dont certains (notamment Vincent, 1982) remportent un grand succès critique, mais que Disney juge encore trop sombre et contraire à son ADN. Tim Burton décide alors de quitter les studios en 1984.

Il faudra attendre vingt-six ans (2010) avant que le réalisateur, désormais mondialement reconnu, accepte de renouer avec la firme aux grandes oreilles afin de mettre en chantier leur dernier projet, la suite du roman de Lewis Caroll, Alice aux pays des merveilles. Burton renoue une seconde fois avec Disney pour son film d’animation Frankenweenie en 2012, projet qu’il souhaitait réaliser depuis 25 ans.
Pour leur troisième collaboration donc, Tim Burton et Disney s’attaquent à l’adaptation de Dumbo, tiré du film éponyme sorti en 1941, lui-même tiré du livre de Helen Aberson paru en 1939.

Mais alors, Dumbo au cinéma par Tim Burton, qu’est-ce que cela donne ?

Autant le dire tout de suite, j’ai certes voyagé pendant cette séance, mais pas aussi loin que mes oreilles auraient pu me porter. Le dernier né de Burton semble passer péniblement la barre du “c’est pas mal” à l’instar des autres films du réalisateur sortis ces dix dernières années ; à l’exception bien entendu de Miss Pilgrime et les enfants particuliers (2016) et de Frankenweenie (2012), qui étaient tous deux excellents.

Cela démarrait très mal avec ce qui semblait être pendant le premier tiers du film, une histoire très plate ou des acteurs défilent sur des fonds verts. Le problème n’est pas nouveau, beaucoup de films récents font un usage excessif de la 3D dans les décors, ce qui donne cette impression de monde artificiel, coupant parfois littéralement avec la volonté initiale ou la diégèse du film. Là où Burton, par le passé, usait habilement et passionnément de décors faits à la main et  d’effets spéciaux mécaniques (Edward aux mains d’argent (1991), Sleepy Hollow (2000)), il semble, sur certains projets récents, délaisser cet aspect de son cinéma au profit des nouvelles technologies informatiques. Cependant, passé la première demi-heure, le film laissera place à des décors intérieurs fabuleux et un parc d’attractions loufoque à l’esthétique purement Burtonienne, ainsi que de nombreuses mises en scènes toujours plus éléphantesques où des centaines de figurants viennent s’agiter dans un ballet maîtrisé à la perfection.

Malheureusement le film prend un temps considérable avant de voler de ses propres ailes, souffrant d’une mise en place assez lente ; mais le véritable problème vient des personnages. Concernant Dumbo, on s’attache rapidement à l’éléphanteau qui est sans aucun doute la plus grande réussite du film, autant esthétique qu’emotionnelle. Contrairement à la famille Farrier. Car le fait d’éprouver ne serait-ce qu’un semblant d’empathie pour ce trio est tout bonnement impossible ; la famille étant composée du père, Holt (Colin Farrell) et ses deux enfants, Milly (Nico Parker) et Joe (Finley Hobbins). Le pire étant Colin Farrell qui semble être le seul personnage au courant que Dumbo est en 3D et qui se cantonne au rôle du paternel qui n’écoute jamais ses enfants et refuse de croire que Dumbo puisse voler alors que TOUT LE MONDE L’A VU ! Faites un effort Holt, s’il vous plaît. Et ouvrez les yeux au lieu de suivre péniblement le groupe comme un boulet en subissant le scénario ; Cela peut paraître surprenant, mais le père de famille semble toujours déphasé et à la traîne dans l’histoire, ce qui finit par être très agaçant.

À l’inverse (et sans en faire des caisses), les personnages de la troupe du cirque itinérant possèdent une identité et une sensibilité vraiment touchante et sont menés tambour battant par le fabuleux Danny DeVito (vieillira t’il un jour ?), dans le rôle du maître de cirque, près à tout pour défendre ses intérêts, mais également ceux de cette étrange troupe, vivant en marge de la société et remplie de profils aussi bizarres que fascinants.

Michael Keaton quant à lui se cantonne malheureusement au rôle du méchant de service, vénale et obnubilé par son rêve “malhonnête”, que l’on voit arriver à cent kilomètres, dos au vent. Il se révèle sans surprise un antagoniste plat que l’on n’aime pas détester. Sur ses flancs, la sulfureuse Eva Green, qui pour le film a accepté de combattre sa peur du vide et effectue ses propres cascades. On remarquera aussi le fait que l’actrice a retrouvé son accent français et bénéficie (paradoxalement) d’un personnage féminin avec du caractère et un intérêt scénaristique concret.

Côté musicale, quelqu’un semble avoir compris très vite que les émotions sont le nerf de la guerre ; j’ai nommé le magnifique et l’irremplaçable Danny Elfman, fidèle au post de bras droit musical de Burton qui pour la “…” fois (mais jamais de trop), nous sort les choristes et les violons des valises et nous offre quelques envolées symphoniques plutôt remarquables. Dans un style à mi-chemin entre Prokofiev et Bernard Herrmann (compositeur de Hitchcock), le talentueux rouquin à lunettes connaît son travail et nous le prouve.

Contrairement à d’autres grosses machines Hollywoodiennes, les coutures d’un scénario militantisme et moralisateur ne sont ici pas trop visibles. La multitude de thèmes comme le rapport à la différence (vous commencez à le connaître celui-là), la diversité au sein d’un groupe d’individus et les animaux sauvages en captivité, sont amenés avec finesse. L’univers du cirque et des parcs d’attractions semble cher à Burton, le réalisateur y trouvant l’occasion de présenter des familles et des personnages bizarres et hétéroclites, mais surtout de mettre en lumière les liens puissants qui les unissent.

Pour conclure, Dumbo n’est pas une arnaque (et fort heureusement). Mais il subsiste dans cette œuvre des choix artistiques curieux, des personnages irritants et des facilités scénaristiques qui rendent sa digestion plus délicate que prévu. On pourrait penser que Disney semble agir comme un catalyseur sur l’imagination et le désir créatif de Burton, cependant le duo nous a habitué à des histoires moins formatées comme Frankenweenie en 2012, dans un style certes plus gothique ; mais même en admettant que pour Dumbo, la cible privilégiée soit les enfants, quelque chose nous reste en travers de la gorge.

Dumbo, un bon Disney, mais un Tim Burton un peu frustrant.

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[AVIS] Captain Marvel (2019) Anna Boden & Ryan Fleck

Synopsis:
Captain Marvel raconte l’histoire de Carol Danvers qui va devenir l’une des super-héroïnes les plus puissantes de l’univers lorsque la Terre se révèle l’enjeu d’une guerre galactique entre deux races extraterrestres.

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L’univers Marvel ne cesse de s’agrandir. Alors que l’on s’approche de plus en plus d’Avengers Endgame (24 Avril 2019 au cinéma) vu comme la fin de l’ère Marvel telle qu’on la connait, la maison des idées enchaine les films et prépare la relève. Ainsi pour ce 21e film, Marvel nous introduit Carol Danvers alias Captain Marvel, ce super-héros féminin si puissant dans les comics qu’il a d’hors et déjà sa place dans les Avengers.  En plus d’être le premier film centré sur un personnage féminin, Captain Marvel est aussi un film très particulier pour les fans de super-héros. Pourquoi ? Puisqu’il est dédié à Stan Lee, le créateur de nombreux super-héros tels que les 4 Fantastiques, Spiderman, etc.. décédé en Novembre 2018. 

Le film débute d’ailleurs sur un magnifique hommage au père des nombreux super-héros ! Mais l’hommage fini, on retourne dans les rangs de Marvel avec la recette qui a fait la gloire des nombreux films de super-héros. Prenez un acteur ou une actrice connue pour le lead rôle. Ici Brie Larson, Oscar de la meilleure actrice pour Room de Lenny Abrahamson incarne Captain Marvel mais nous a pas encore convaincu. Ajoutez quelques acteurs de notoriété mondiale; Ben Mendelsohn (Talos), Gemma Chan (Minn-Erva), Annette Bening (intelligence suprême), Jude Law (Yon-Rogg) avec comme Marvel sait le faire, quelques personnages récurrents déjà aperçus dans d’autres films du MCU (Marvel Cinematic Universe). Ainsi on retrouve Samuel L. Jackson (Nick Fury), Djimon Hounsou (Korath), Lee Pace (Ronan l’Accusateur) mais aussi Clark Gregg (Agent Phil Coulson) qu’on avait pas vu dans les films depuis Avengers en 2010 ! Peu d’entre eux ont vraiment une importance dans le film, comme Ronan par exemple qui n’est là que quelques minutes à peine mais l’histoire se tient et propose quelques rebondissements, de quoi vous tenir en haleine pour passer un bon moment ! 

Marvel Studios’ CAPTAIN MARVEL..L to R: Nick Fury (Samuel L. Jackson) and Captain Marvel (Brie Larson) ..Photo: Film Frame..©Marvel Studios 2019

Cette toute nouvelle aventure possède tout de même sa petite personnalité, elle se passe entièrement dans les années 90 ! Autant vous dire que niveau cohérences et crédibilité les équipes de chez Marvel se sont bien penchés dessus et nous offrent des rajeunissements bluffants de  Samuel L. Jackson et Clark Gregg ! Tout comme la direction artistique et la photographie qui est une grande réussite, à l’instar de tous les Marvel. Le duo Ryan Fleck & Anna Boden (Half Nelson, prix du jury de Deauville en 2006) ont réussi un divertissement ambiance 90′ prenant sans pour autant marquer les spectateurs comme l’avait fait Les Gardiens de la Galaxie et son ambiance musicale très rétro ! D’ailleurs musicalement le film s’en sort à peu près comme tous les Marvel, une B.O. qui passe bien mais qui se retient pas avec ici quelques titres 90′ qui nous mettent dans l’ambiance. Il faut spécifier aussi que la B.O. de Captain Marvel est composée pour la première fois chez Marvel par une femme, Pınar Toprak qui a notamment travaillé sur des titres additionnels pour Justice League. 

En fait ce film Girl Power, est à l’image de la plupart des Marvel. Un bon divertissement qui ne marque cependant pas le spectateur. Un bon moment en attendant patiemment Avengers Endgame qui lui imposera son empreinte dans le cinéma Hollywoodien et dans l’univers Marvel, on l’espère ! On espère aussi que Brie Larson (qu’on aime beaucoup) nous convaincra dans ce nouvel opus des Avengers puisque pour l’instant on reste mitigé quant à sa performance en Carol Danvers

N’oubliez pas de rester jusqu’à la fin du générique ! ; ) 

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[AVIS] Doctor Strange (2016) Scott Derrickson

Synopsis:
Doctor Strange suit l’histoire du Docteur Stephen Strange, talentueux neurochirurgien qui, après un tragique accident de voiture, doit mettre son égo de côté et apprendre les secrets d’un monde caché de mysticisme et de dimensions alternatives. Basé à New York, dans le quartier de Greenwich Village, Doctor Strange doit jouer les intermédiaires entre le monde réel et ce qui se trouve au-delà, en utlisant un vaste éventail d’aptitudes métaphysiques et d’artefacts pour protéger le Marvel Cinematic Universe.

3.5

23e super-héros à rejoindre l’univers cinématographique Marvel, Doctor Strange arrive dans une machine qui tourne en équilibre. Si les chiffres sont au plus haut, le public commence à se lasser de cette usine de films aux budgets titanesques rembourrés de fan-service. Face à ce souci de lassitude, Marvel mise sur de nouveaux personnages, de nouveaux réalisateurs mais surtout sur des films de plus en plus spectaculaires. Doctor Strange est de ceux là.

Personnage méconnu du grand public, Doctor Strange est pourtant au centre de l’univers Marvel tel qu’on le connait et va rapidement prendre une place des plus importantes. Le film nous propose donc de nous plonger dans le personnage de Stephen Strange incarné par Benedict Cumberbatch, un neurochirurgien narcissique qui après un accident va partir en quête de spiritualité. Mais le docteur va rapidement devoir faire face à des menaces qui le dépassent. Ce nouveau Marvel va ainsi introduire toute une panoplie de magie et de notions métaphysiques, de quoi captiver le spectateur pendant une bonne partie du film. Visuel bluffant et psychédélique, le film est absolument à découvrir en 3D – Attention, certains spectateurs ont fait des malaises durant la projection.

Ça fait du bien de retrouver un nouveau personnage, de s’accrocher à un nouvel univers ! Scott Derrickson (Sinister, Le Jour où la Terre s’arrêta) apporte un peu d’air frais dans la team Marvel en proposant ce délire en partie psychédélique tant dans sa forme que dans son traitement. Mélange parfait de drame et d’humour, Doctor Strange est de ceux qui ont réussi à passer au travers de l’impersonnalité Marvel, tout comme les Gardiens de la Galaxie en 2014, assurant un divertissement solide et efficace. Cette réussite est due à l’univers synthétisée autour du film mais est aussi à Benedict Cumberbatch qui apporte toute la crédibilité et le charisme nécessaires au personnage. Si les négociations voyaient Joaquin Phoenix, Ethan Hawke, Tom Hardy, Édgar Ramírez, Ewan McGregor, Oscar Isaac, Matthew McConaughey, Jake Gyllenhaal, Jared Leto, Ryan Gosling, Keanu Reeves ou encore Colin Farrell dans le rôle du docteur, c’est finalement Cumberbatch qui l’emporta, choix payant étant donné les talents de l’acteur et son excellent jeu dans les traits de Stephen Strange. Accompagné par Tilda Swinton et Mads Mikkelsen, on ne trouvera que rarement mieux pour un film Marvel.

Doctor Strange est cependant rapidement rattrapé par le ton Marvelien. Intrigue qui vise finalement la facilité et personnages secondaires mis de côté, on en pense que pour Cumberbatch, ce qui ne déplaira pas à certains fans. Rachel McAdams souffre notamment de ce manque de présence et d’écriture de son personnage. Comparable à Natalie Portman dans Thor, l’actrice nous avait déjà préparés à mieux. Chiwetel Ejiofor n’est pas mieux placé. Il incarne ici le Baron Mordo, un personnage connu de l’univers Marvel mais totalement différent des comics. L’acteur nommé aux Oscars pour 12 Years a Slave s’enfonce dans un second rôle qui en plus d’une évolution un peu trop prévisible n’arrive pas à la cheville du talentueux Cumberbatch.

Deuxième partie légèrement maladroite, on prend tout de même une bonne dose de divertissement spectaculaire dans la tête. C’est finalement le grand vilain du film qui déçoit le plus, maladresse rapidement oubliée grâce à Cumberbatch et sa scène post-générique. Film sous le drapeau Marvel Studios, Doctor Strange n’en reprend que les grandes lignes, offrant au spectateur ce qu’il attend de ce genre de film tout en lui proposant ce qu’il veut voir : un minimum de création et d’originalité.

Loin d’un film de super-héros classique, Doctor Strange tente de s’offrir du renouveau dans l’ère Marvel et s’impose directement comme l’un des grands personnages et guide du futur de l’univers Marvelien.

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