Cold War (Zimna Wojna)
Réalisé par : Pawel Pawlikowski
Avec : Joanna Kulig, Tomasz Kot, Borys Szyc, Cédric Kahn, Jeanne Balibar, Aloïse Sauvage
Date de Sortie : 2 Juin 2018 en VOD
Durée : 1h 28min
Synopsis :
Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.

Si le cinéma européen est bien souvent boudé en faveur des films américains, il n’en reste pas moins un cinéma très qualitatif qui n’a rien à envier à son homologue d’outre-Atlantique. C’est ici le cas avec Cold War, film polonais réalisé par Pawel Pawlikowski, sorti en 2018 qui présente une histoire d’amour mettant en scène Wiktor, pianiste et chef-d’orchestre ainsi que Zula, jeune chanteuse et danseuse, dont la vie sera rythmé par leur amour. Witktor est alors chef d’un groupe folklorique professionnel , il rencontre Zula lors d’une audition pour intégrer ce groupe. Extrêmement intrigué par la jeune femme, au-delà de ses talents, il l’embauche et né alors un amour inconditionnel. Sur fond de guerre froide et d’un contexte politique rude en Pologne, cet amour connaîtra de nombreuses mésaventures au fil du temps.
A l’heure où un autre film en noir et blanc prenait l’oscar du meilleur film étranger en 2018 (Roma d’Alfonso Cuaron) Cold War brillait non seulement au travers de cet esthétisme aujourd’hui devenu plutôt original, mais aussi au travers d’une imagerie extrêmement picturale. La réalisation est en effet composée de nombreux plans fixes où l’action et le temps semblent s’être arrêtées, telles des peintures de maîtres témoins de ce temps. Les cadres sont fixes, à l’image de l’amour que se portent les deux protagonistes. Malgré les changements et les mésaventures, cet amour restera, telle une gravure dans le temps.

Ainsi, le thème principal de cette œuvre n’est en effet pas véritablement le contexte d’après guerre, bien qu’il joue un rôle primordial quand au déroulement de la narration, mais bien l’amour. Vu et revu, ce thème n’en reste pas moins puissant tant ce sentiment reste inexplicable, incompréhensible et intouchable à l’image de ce couple polonais atypique. Le réalisateur propose alors sa propre vision d’un amour pure que rien, pas même le contexte, le nationalisme, l’âge ou d’autres relations peuvent remettre en cause. On suit en effet l’évolution parallèle des deux personnages tout au long de l’œuvre, se rejoignant, se séparant tout en restant fidèles au plus profond de leurs cœurs respectifs.
Les trahisons sont internes, dû au changement de chacun. Le temps fait ses œuvres et les séparations laissent un goût amer. Reste malgré tout, la pureté du sentiment, de l’attachement et d’une promesse intérieure de toujours s’aimer.
Ainsi, au-delà d’une réalisation et d’une mise en scène sublimées par un esthétisme brillant, c’est ici au travers des émotions qu’elle transmet que l’œuvre du réalisateur polonais rayonne. Cependant, au travers de cet amour, le cinéaste dépeint aussi une époque et un contexte habituellement très peu sous le feu des projecteurs. Ainsi, l’ouverture du film se rapproche sensiblement du cinéma documentaire, comme un symbole de l’importance qu’accorde l’artiste au contexte de son œuvre. La guerre a ainsi laissé une empreinte indélébile auprès du peuple polonais. Le domaine de l’art est alors profondément touché, d’où cette idée de groupe folklorique afin de faire rayonner, en parti, l’art polonais. Ce groupe rythmera d’ailleurs une bonne partie du film, au point d’en faire une œuvre profondément musicale. Une musique qui accompagne tout au long le développement de la vie des personnages principaux. Son interprétation changeante témoignant de ce changement d’humeur (joie, tristesse), de vie et d’ambition de chacun d’eux.

On y découvre par ailleurs certaines confrontations idéologiques et notamment artistiques grâce à ces multiples représentations et interprétations. Le regard de l’un sur l’autre ayant une importance primordiale, représentant bien souvent le regard du spectateur par rapport aux évènements.
Ainsi plusieurs mondes artistiques et culturels se confrontent alors, entre l’Italie d’après guerre, Paris ville artistique cérébrale, la Yougoslavie…etc. L’on peut observer des divergences plus ou moins importantes au même titre que l’art de vivre ainsi que les divergences d’ambitions de la part du couple protagoniste influencés par ces multiples confrontations. L’écriture des protagonistes, si différents dans leurs conceptions idéologiques, artistiques et dans leurs manières de vivre les rend d’autant plus intrigants et intéressants à suivre, à l’image de l’œuvre dans son entièreté. Le spectateur se plaît en effet à observer ce couple qui à mesure de ses rencontres nage en plein bonheur et se détruit, avant de s’aimer et de se détruire à nouveau. Un couple magnifiquement interprété par une Joanna Kulig sublime et un Tomasz Kot des plus attendrissants. Les deux acteurs illuminant de leurs talents une femme froide et calculatrice et un homme droit et émotionnel qui au fur et à mesure du film échangeront leurs rôles avant, enfin, de trouver un certains équilibre.
Cold War est donc ainsi une œuvre extrêmement riche et appréciable, bien que quelques longueurs soient à dénoter. C’est un film qui parle peu mais dont les dialogues et leurs profondeurs marquent durablement. La beauté de certains plans ainsi que la pureté d’un amour entaché de mauvaises décisions et parfois même de trahisons, rendent l’œuvre incroyablement grande et forte. Oui Cold War est un grand film moderne qui mériterait sûrement une reconnaissance plus accrue et profonde.
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