Sibyl
Réalisation : Justine Triet
Scénario : Justine Triet et Arthur Harari
Avec : Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Sandra Hüller, Gaspard Ulliel…
Photographie : Simon Beaufils
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h41 min
Genre : Drame
Date de sortie : 24 Mai 2019

Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d’écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu’elle cherche l’inspiration, Margot, une jeune actrice en détresse, la supplie de la recevoir. En plein tournage, elle est enceinte de l’acteur principal… qui est en couple avec la réalisatrice du film. Tandis qu’elle lui expose son dilemme passionnel, Sibyl, fascinée, l’enregistre secrètement. La parole de sa patiente nourrit son roman et la replonge dans le tourbillon de son passé. Quand Margot implore Sibyl de la rejoindre à Stromboli pour la fin du tournage, tout s’accélère à une allure vertigineuse…
Après La Bataille de Solférino présenté en sélection ACID et Victoria présenté en ouverture de la semaine de la critique, Justine Triet se créé cette fois-ci une place en compétition Cannoise avec Sibyl. Elle y retrouve Virginie Efira pour dresser le portrait d’une jeune femme qui se débat entre sa vie professionnelle et sa vie intime, ses affects et ses angoisses. Un personnage qui ne s’aime pas et qui essaye de se réinventer autrement par la fiction.
Très inspiré par Une Autre Femme de Woody Allen, Justine Triet aborde avec Sibyl de multiples thématiques et fait du film un nœud complexe d’intrigues où des personnages opposés se croisent et se transforment. Justine Triet prend ainsi plaisir à abîmer ses personnages pour mieux les déconstruire et en comprendre les racines. Elle fait de Sybil (Virginie Efira) une femme qui n’arrive pas à affronter les démons de son passé, mais aussi un personnage complexe, moderne et en mal être total. Une femme en quête d’elle même qui se laissera emporter dans la fiction pour mieux en comprendre la vérité.

Et pour parler de fiction rien de mieux que côtoyer le cinéma ! Sybil va rapidement vous emmener au cœur d’un tournage à Stromboli, où le volcan prêt à imploser surplombe toute une partie du film. Justine Triet démystifie le cinéma, et offre au film un côté comique, satirique en s’en moquant sans s’en cacher. Notamment avec le personnage de Sandra Hüller, la réalisatrice du film qui pourra vous faire sourire. Mais avec cette mise en abyme du tournage, Justine Triet offre surtout une belle métaphore volcanique où l’émotionnel, le sexuel et Sibyl sont au bord de l’explosion. Un décors presque irréel et paradisiaque pour briser le vrai.
Pour guider Sibyl et mieux en admirer l’évolution, Justine Triet a créé pour chaque personnage une version inversée du personnage de Sibyl. Ainsi elle aborde par ses personnages les thèmes de la maternité et de la création, dont on peut voir quelques similarités. On retrouve donc Adèle Exarchopoulos, Sandra Hüller, Gaspard Ulliel, Laure Calamy, Niels Schneider et Paul Hamy dans des rôles tout aussi complexes et bien interprétés.

Des personnages que Justine Triet a réellement construit au montage, Niels Schneider avoue même avoir découvert son personnage devant le film. En effet, une quarantaine de prises étaient nécessaire par plan ce qui a permis aux acteurs de nuancer leur jeu et d’offrir la complexité que pouvaient proposer leurs personnages. Virginie Efira prouve une fois encore son talent dramatique après Un Amour Impossible de Catherine Corsini et offre une performance intéressante en adéquation avec les autres acteurs de tout aussi haut niveau.
Mais a force de trop en raconter et vouloir complexifier ses personnages, Justine Triet se perd et laisse quelques questions en suspend. On aurait aimé ressentir plus de puissance mais Sibyl n’est pas la chronique d’un mal être grandiose qu’on attendait. Il reste cependant un beau film sur un tas de questions et offre une mise en belle mise en scène à la dimension complexe et chaotique assez intéressante.